Editorial
Emmanuelle Bonnemaison
Cécile Albana Presset
De grandes unités géographiques européennes se croisent en France: plaines et montagnes, quatre rivages, un climat qui passe de l’océanique au méditerranéen. La France, c’est une administration centralisée qui laisse peu à peu le poids des régions s’affirmer. C’est une tradition des métiers du paysage – le jardin à la française – largement renouvelée dés la deuxième moitié du 20e siècle: évoquons les noms de Corajoud, Clément, Lassus ou Chemetoff dont projets et théories croisent ceux des penseurs que sont Roger, Berque ou Le Dantec qui ont largement fondé la pratique des paysagistes contemporains.
L’héritage des années 1960–70 émerge en effet comme un temps commun à plusieurs projets. Après une cinquantaine d’années, de grands ensembles d’habitations ou des villes entières entament leur mutation à travers diverses réhabilitations ou coutures. Ainsi, décrits par leurs concepteurs, un jardin sur le périphérique parisien ou la place jardin à l’entrée de la ville d’Ivry-sur-Seine racontent comment la continuité du tissu urbain est rétablie au bénéfice des piétons et de la vie sociale. Des parcs naissent pour répondre aux nouveaux besoins des quartiers des années 1960 en termes de jeux et de rencontre ou pour relier la ville en construction. Les villes nouvelles, entités conçues de toutes pièces à cette époque nourrissent toujours le débat sur le rôle fondateur du paysage. Le présent cahier explore donc également le volet «études» de la profession. Cette différenciation des compétences, réputée pertinente en Suisse est plus ténue en France: les Atlas du paysage, outils d’observation, de conservation et de valorisation deviennent par exemple sous l’influence de certains bureaux des outils d’action sur le paysage.
Enfin, le développement de la ville du 19ème siècle, comme partout en Occident, est intimement lié à la naissance de grands parcs public urbains; nous explorerons le devenir du parc parisien des Buttes-Chaumont inauguré en 1867.
Nos auteurs s’interrogent sur le degré d’implication des paysagistes* français dans le modelage de la ville – passerelle vers le thème du prochain cahier d’anthos, «Landscape urbanism».
Le Nôtre, porte-flambeau du jardin à la française est né il y a 400 ans; en 2013 dans ce premier numéro de l’année, anthos nous offre un instantané de la pratique de nos voisins, invitation à découvrir ou redécouvrir in situ l’actualité du paysage français.
* Le terme d’«architecte-paysagiste» est utilisé en Suisse pour désigner la profession de concepteur; le même métier en France se dénomme «paysagiste». Une vieille querelle: l’Ordre des architectes refusa que le projeteur de paysage utilise le terme qu’il souhaitait se réserver. Le terme de paysagiste est dévolu en Suisse à celui qui réalise.
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