Editorial
Sabine Wolf, Albert Kirchengast
Un thème jusqu’alors négligé occupe actuellement le devant de la scène: «le paysage des grands ensembles». Après la stigmatisation des grands ensembles, considérés comme des «ghettos» et des «bunkers sociaux» et, par la suite, l’avènement du penchant opposé pour les immeubles en construction préfabriquée, différentes approches se font aujourd’hui remarquer qui souhaitent normaliser le «monde conceptuel des Modernes».
C’est peut-être notre actuelle distance vis-à-vis des modèles urbains qui caractérise notre présent alternant entre «ville planifiée» et «ville informelle». Si des agglomérations avalent en effet leur périphérie, de nouveaux modèles d’organisation qui racontent une histoire alternative de l’urbanisme pourront se dessiner. Ce dernier ne considérerait pas les grands ensembles comme des projets réactifs, ne les détacherait pas de l’ancien tissu urbain, ne les stigmatiserait pas comme des épaves isolées que l’on accepte tout juste dans les collages ludiques d’un Hans Hollein. Une telle narration ne devrait pas considérer ce type comme homogène, rapidement bâti, dense et grand, mais l’ancrerait dans la «ville européenne». Les gigantesques projets de transformation du 19ème siècle répondaient finalement eux aussi à une logique comparable; ils fournissaient des points de départ pour une nouvelle appréciation. Cela devrait nous aider à appréhender les grands ensembles sur un mode critique. La notion de «paysage de grand ensemble» vient justement ici à notre secours.
Du point de vue de l’architecture du paysage, les grands ensembles ne sont plus perçus comme des formes indépendantes de leur contexte. Ils ne sont pas détachables d’aspects liés au territoire et sont plus ou moins bien intégrés dans un paysage (urbain) qu’ils marquent. Il s’agirait d’une typologie qui franchit diverses étapes de développement dans les «aimants» d’Ebenezer Howard, la «ville-colline» de Georg Metzendorf, les villes-satellites d’Ernst May en passant par les Niddaauen à Francfort-sur-le-Main ou les grands ensembles de Berlin et d’Aarau. Si certains grands ensembles sont reconnus aujourd’hui, ceci concerne plus souvent les bâtiments. Mais les espaces extérieurs assurent ici des fonctions centrales, notamment dans la vie sociale des habitants. Comment se caractérise le paysage des grands ensembles? D’où lui vient cette importance dans le fonctionnement, la conservation et la réactivation des cités?
On sait depuis longtemps que rien ne peut être inventé. Mais de nouveaux types de lecture qui repèrent des continuités favorisent des regards productifs – notamment sur le grand ensemble et son paysage. Ce cahier se veut une aide pour les dégager.
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