Paysages sacrés

Paru le 20 février 2015    

 

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Editorial

Sabine Wolf

 

Parallèlement aux arbres et aux sources, nous attribuons souvent aux montagnes le particulier. C’est ainsi que le mont Kailash au Tibet est considéré comme «la montagne la plus sacrée au monde» et «symbolise le centre de l’univers». Le mont Olympe est connu pour être le siège des dieux grecs, Jupiter a été célébré au mont Tonnerre dans le Palatinat, l’Ol Doinyo Lengaï africain est pour les Maasaï le siège du dieu de la pluie et des nuages Engai, tandis que pour les aborigènes Pitjantjatjara, Uluru fait partie de leur mythe de la Création. L’Arche de Noé se serait échouée sur le mont Ararat après le déluge.

Dans les rites et les manifestations comme les pèlerinages et les processions, la compréhension culturelle du particulier se consolide dans des interventions comme des plaques commémoratives et des sculptures. Depuis toujours, l’architecture religieuse n’apporte au paysage une empreinte lisible que dans le contexte. On peut notamment citer les croix aux croisements des chemins ainsi que les chapelles, monastères, églises et temples le long d’anciennes voies commerciales.

Certains de ces lieux ont été transmis de génération en génération, indépendamment de l’évolution sociale ou du déplacement des frontières, et renforcent les communautés: à l’intérieur ceux qui partagent la connaissance, à l’extérieur les autres.

Ce qui se trouve à la source de la force et du caractère exceptionnel de lieux et du paysage reste souvent un mystère. Nous pouvons attribuer le sublime et le transcendant à leurs particularités physiques comme les activités volcaniques, les dangers naturels comme les torrents de boue, les barrières météorologiques ou les gisements de matières premières. Ou bien trouver une piste du côté de l’animisme, de la géomancie, de la radiesthésie, de l’astrologie des lieux ou du Focusing. Ou encore suivre Jan Assmann, Pierre Nora et d’autres qui ont mis en lumière des liens particuliers entre les hommes et leur environnement. Nous ne trouverons toutefois pas toutes les réponses.

En tant qu’architectes-paysagistes, nous évoluons souvent dans ce champ de possibles. Quelle est donc notre tâche? Les architectes-paysagistes sont-ils les protecteurs des paysages sacrés? Doivent-ils à ce niveau agir par l’aménagement? L’architecture du paysage peut-elle apporter ce qui est spécifique à un lieu ou bien est-il déjà présent, auquel cas notre tache consisterait alors à ressentir et à dévoiler le «sacré»? Comment pouvons-nous cultiver le caractère particulier d’un lieu et du paysage et équitablement évaluer sa valeur?

 

Nous présentons dans ce numéro différents projets, idées et approches de lieux et de paysages auxquels est attribué le particulier, ou dans lesquels nous voyons quelque chose de particulier. Nous sommes conscients du fait que nous posons des questions sans leur apporter de réponses.

 

 

Sommaire

  • Albert Kirchengast: Existe-t-il vraiment des paysages monastiques sacrés?
  • Klaus Holzhausen: Un paysage médité>> article
  • Susanne Lengger: Sentier de pèlerinage «Heilige Landschaft Pfaffenwinkel»
  • Bruno Vanoni: Des bienfaits des «eaux saintes»
  • Adrian Kräuchi: Amadé Zenzünen: Sur les traces du sacré en vallée de Binn
  • Compagnie de la Torma: La Torma: du cimetière au parc
  • Robin Winogrond: Wildwood Plaza, Uster
  • Franziska Kirchner: Temps du rêve et plantes
  • Natacha Guillaumont, Tedros Yosef: Jardin de ruine, la chèvre jardinier
  • Glenn Cotter: Réaménagement du cimetière>> article
  • Daniel Bösch: La forêt comme manteau protecteur
  • Theodor Henzler: Eglises à atrium avec jardins de contemplation
  • Christophe Veyrat-Parisien: Place Saint-Jacques, Sallanches
  • Günter Nitschke: Renouveau dans la nature, l’homme et la construction