Editorial
Sabine Wolf
Nous rangeons nos enfants comme de la vaisselle dans une armoire. On ne les laisse jouer que dans des espaces ad hoc, équipés de toboggans et de balançoires commandés sur catalogue. Tout autour, ce ne sont qu’immeubles, places de stationnement et autres aménagements urbains.
Enfants, nous adorions nous rendre dans la vieille décharge – interdite – ou sur les berges – interdites aussi – de la rivière toute proche. Cela n’avait pas seulement un goût d’aventure, c’en étaient de vraies. Nous cherchions alors des trésors et les cygnes nous attaquaient, car nous nous étions trop approchés de leurs nids durant la période de couvaison. Ou nous grimpions sur les vieilles bennes en plastique de la décharge qui s’éventraient. Dangereux, mais riche d’enseignements. Il y avait aussi des places de jeux. Notre préférée était celle au bord de la rivière. Elle se trouvait à l’écart: rares étaient les adultes qui passaient par là. Elle n’était dotée que d’un vieux bac à sable et de trois barres métalliques où nous faisions de la gymnastique jusqu’à ne plus avoir de force dans les bras.
Aujourd’hui, les places de jeux ressemblent souvent aux enclos à chèvres des parcs animaliers et des zoos. Une clôture métallique protège l’intérieur de l’extérieur: le portail est fermé, les accès contrôlés. Les revêtements de sol sont faciles d’entretien, faits pour être lavés, dirait-on même. Les bacs à sable sont passés de mode. Les engins à grimper, d’une hauteur raisonnable, sont sagement posés sur des dalles amortissantes. Sur le plan ergonomique, ils sont idéalement conçus pour les enfants de deux à trois ans qui souhaitent développer certains muscles ou entraîner leur sens de l’équilibre. Et ils se conforment aux normes européennes DIN.
Fort heureusement, il y a aussi les autres. Des espaces publics comme celui de Reutlingen, entièrement conçu comme lieu de mouvement avec des aménagements pour tous. Des parcours sportifs qui traversent la ville en utilisant celle-ci telle qu’elle est pour les exercices. Et des espaces intermédiaires sans fonction précise. L’architecte-urbaniste danois Jan Gehl figure parmi les précurseurs en la matière. Il demande, depuis les années 1980 dans ses conférences et ses publications, d’améliorer l’infrastructure urbaine et, partant, la qualité de vie des gens, en particulier des piétons, des cyclistes, des enfants et des personnes âgées.
Des espaces de mouvement, il y en partout! Ici, une installation aménagée avec soin; là, un lieu qu’on s’approprie. Ici, une friche; là, un parc. Si une telle combinaison se révèle intéressante pour les usagers, elle ne l’est pas moins pour les finances communales, car toutes les surfaces n’impliquent pas d’onéreux travaux d’entretien. À nous de les utiliser, de les développer et d’en prendre soin. Et de veiller ensemble à ce qu’elles restent accessibles à tous.
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